Sors de cette cité ! Sors de cette terre !

La déchéance de nationalité, une idée totalitaire.

Bien sûr, on ne peut absolument pas comparer les fascismes et la République, les juifs et les terroristes. Mais je dois tout de même donner raison à Cécile Duflot, qui a rappelé la nature intrinsèquement totalitaire de cette mesure. Il faut pour cela se référer aux idées bien plus qu'à l'Histoire, et surtout aux origines de la justice dans la Grèce antique : on jugeait alors jamais les actes, mais toujours l'homme. Les 500 citoyens fixaient la punition de l'accusé selon deux critère : le bannissement ou la ciguë. Sors de cette cité, ou sors de ce monde ! Tu es de trop chez nous, ou même sur terre, en vie. L'idée qu'il y a des "hommes de trop", ceux qui ne pourront pas entrer dans la matière de l'"homme nouveau" a été réactivée par le totalitarisme. Hannah Arendt, dans sa thèse sur l'amour chez Saint Augustin, rappelle cette formule de l'amour du Dieu créateur comme de tous les hommes "Volo ut sis", je veux que tu sois. Toutes les créatures de la terre sont aimées de Dieu parce qu'elles ont été voulues par lui, puisque pour Dieu, vouloir c'est toujours créer. Ce détour par la patristique peut étonner de la part d'un auteur aussi résolument athée, mais il est le véritable fondement de l'argumentation dans ce chef d'oeuvre de philosophie politique Les Origines du totalitarisme (la véritable politique heideggerienne... la lecture post-métaphysique de la dévastation technique en politique). La manière dont les Etats totalitaires du terrible 20e siècle ont conduit leurs citoyens à la mort passe par l'idée qu'ils étaient "de trop", et donc perdaient leur citoyenneté avec tous leurs droits, mais surtout leur nationalité, avec leur identité. Un terroriste français, même binational, est et doit rester français. C'est à la France de le punir, et sévèrement, mais toujours en tant que Français. Dans l'emballement présent de l'insécurité, avec le retour de Sarkozy, on finira par perdre sa nationalité pour avoir volé une sucette à quatre ans. Dans cette déshumanisation que produit la peur, la sécurité se suicide par son outrance. On aime parler aujourd'hui de guerre pour des opérations de simple police, mais on oublie que le fondement de la victoire, c'est le courage et le sang-froid.