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Philosophie au jour le jour

« Néolibéralisme » ?

Publié par Christophe Calame

« Néolibéralisme » ?

Du point de vue des idées politiques, l’expression est déjà historique. Elle désigne la réaction au fascisme et à l’économie dirigée en Allemagne d’abord (« l’ordo-libéralisme », inconnu en France avant les cours de Michel Foucault, dans les années 80), et surtout les œuvres, essentiellement économiques, de Friedrich von Hayek (un aristocrate autrichien en exil, 1899-1992) et Milton Friedmann (un petit juif de Brooklyn, 1912-2006). Leurs programmes ont permis de juguler l’inflation, qui servaient certes les plus endettés, mais ruinaient autant les ouvriers bénéficiaires des accords de Grenelle que les rentiers.

Dans les années 80, Margaret Thatcher et Ronald Reagan ont voulu revenir sur les conquêtes sociales de la précédente décennie, et « déréguler » la protection sociale, pour stimuler l’économie, au nom d’un idéal individualiste. Mais la limite de ces politiques est le conservatisme religieux et social, qui a toujours relativisé l’impulsion libertarienne qui aurait pu accompagner le néolibéralisme (Ayn Rand, Rand Paul). La dérégulation a d’abord été bancaire avant d’être sociétale. Rétrospectivement, les religions réactionnaires, intégristes et antilibérales, ont plus soutenu l’individualisme que l’hédonisme égoïste. Tartuffe aurait été néolibéral.

Ce cycle politique prend fin avec la crise de 2008, où les États se voient contraints de reprendre la main en sauvant les banques. Curieusement, le laxisme monétaire ne provoque pas d’inflation, mais il faudra en Europe dix ans « d’austérité » inutile pour s’en rendre compte ! En fait la finance, autonomisée de l’économie « réelle » peut absorber tout « l’helicopter money » des banques centrales. Mais avec « l’à tout prix » de Macron, le néolibéralisme est vraiment mort et enterré, et la société est présentement assistée par la création monétaire impénitente. Jamais dans l’Histoire, on n’a enregistré une telle débauche de création monétaire sans inflation. Or le néolibéralisme a d’abord été adopté pour mettre fin à l’inflation. IL faudrait donc en déduire que l’économie mondiale était sous-capitalisée, ce qui est contraire aux idées monétaristes néolibérales.

Alors, pourquoi employer encore cette expression ? Et surtout comme une sorte « d’objet phobique » ?  (Néo-libéralisme : « Frémir et tonner contre » aurait dit Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues). Par réminiscence marxiste d’abord : le libéralisme est l’ennemi du socialisme (même si ces deux frères siamois sont nés ensemble comme doctrines de la modernité après la Révolution, et partagent de nombreux organes théoriques, comme l’économisme). Mais pourquoi « néo » ? Certainement pas par respect pour les grands ancêtres libéraux, Mme de Staël, Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville et autres. Peut-être par anarchisme, pour se croire débarrassés à bon compte de l’exécrable politique autoritaire et meurtrière de Marx.

Mais si le néolibéralisme semble avoir quitté l’horizon de l’économie politique, il n’en reste pas moins l’idéologie de la partie la plus productive des pays occidentaux. Les gens qui ont fait de bonnes études, travaillent dans des domaines complexes, veulent d’abord payer leur maison, éduquer leurs enfants dans de bonnes écoles, se déplacer facilement, voyager pas trop cher et accéder à la culture. Les préoccupations écologiques les atteignent pas beaucoup, et encore moins les sociales. Presque tous pensent que leurs impôts vont à des causes perdues, comme l’égalité ou la mixité sociale. Ils ne sont pas libertariens, mais refusent par principe la solidarité égalitaristes. Cet électorat reste néolibéral et cherchera forcément un candidat qui réponde à ce programme.