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Philosophie au jour le jour

Premières réactions à Penser l'islam de Michel Onfray, petites méditations pascales

Publié par Christophe Calame

Bruxelles, mars 2016

Bruxelles, mars 2016

En 2012, la Gauche avait tout gagné. Son pouvoir sur les institutions était presque illimité. En 2015, le terrorisme et les lois Macron ont brisé la Gauche en quatre parties, probablement irréconciliables :

1. Econophiles islamophobes : La position du Premier ministre, Manuel Valls, en matière de laïcité est remarquable de clarté, mais voilà "il aime l'entreprise"... Vraie ou fausse, cette proposition le rend inaudible par les éconophobes, dont il se méfie d'ailleurs tant qu'il se sert de l'art. 49.3, tiré du musée des horreurs constitutionnelles de la Ve République, pour faire passer les lois Macron. Dans cette case aussi, la constance d'Alain Finkielkraut (à bien distinguer d'Eric Zemmour, qui veut disculper Pétain).

2. Econophiles islamophiles : Pierre Manent ou Emmanuel Todd ont proposé à contretemps des "aménagements" inutiles avec l'islamisme. Guy Sorman et Metin Arditi ne voient pas bien le problème : imbus de leur grandeur d'âme et de leur judaïsme généreux, ils capituleraient volontiers au moment même où la guerre au Moyen-Orient semble enfin pencher contre l'État islamique !

3. Econophobes islamophiles : On peut classer dans cette case les plus grandes figures philosophiques de l'extrême gauche : Alain Badiou, Slavoj Zizek, Jacques Rancière, Giorgio Agamben, les adversaires de la "guerre au terrorisme", mais aussi des révolutions démocratiques des années 80. Pour eux, voiles et burqa sont insignifiants. Ils attendent que la "contradiction principale" revienne dans leur cadre marxiste habituel.

4. Econophobes islamophobes : En acceptant de publier en France son Penser l'islam (Grasset, 2016), Michel Onfray ne revient pas tant dans la polémique qu'il permet à chacun de mesurer la cohérence de sa position durant toute l'année 2015. Accusé de "perdre ses repères" par Manuel Valls (qu'il a traité en retour de crétin), il reprend le fil de ses interventions, qui nettoyées des ordures jetées par ses adversaires, apparaissent très claires.

Mes réactions à chaud :

Accord 1 : Moins d'euphémismes : les "terroristes" sont bien les "soldats de l'État islamique" même si, faute de reconnaissance internationale, l'EI n'est pas un état et, faute d'uniformes, ses soldats ne sont que des assassins. Mais il faut sauver notre langage de la pression bien-pensante.

Accord 2 : En finir avec la "politique arabe de la France" et autres horreurs néo-colonialistes. Il n'est pas possible pour les Occidentaux d'être respectés en ménageant plus longtemps les dictateurs et les émirs. Le projet néoconservateur des années Bush visait d'ailleurs plus à ouvrir de nouveaux marchés ("Un grand Moyen-Orient prospère", on se rappelle...) qu'à s'emparer de ressources naturelles dont le prix ne cesse de tomber.

Désaccord 1 : Impossible pour moi de renoncer au droit d'ingérence ! Il n'y a pas de fatalité culturelle à la guerre et à la mort. Je suis pour l'interdiction de la burqa jusqu'en Arabie Saoudite !

Désaccord 2 : Nous ne sommes pas responsables, par nos interventions ratées, du terrorisme islamiste en Europe. La guerre entre sunnites et chiites a commencé après la mort de Mahomet, il y a bientôt 14 siècles ! Et cette guerre même retrouve la longue histoire du Proche Orient (Perses contre Babyloniens). La seule chose qu'on peut éventuellement se reprocher, c'est d'avoir fait tomber l'Empire ottoman, qui avait imposé la paix aux Arabes pendant un demi-millénaire, au prix d'une certaine pression sur le Danube d’ailleurs.

Désaccord 3 : Par un tour d'hégélianisme dévoyé, mâtiné de spenglerisme décadent, Michel Onfray affirme que notre civilisation chrétienne est finie, et que celle de l'islam commence, parce qu'il n'a pas peur de tuer et de mourir. Or, je ne vois nulle part se manifester de la peur en Occident, plutôt des appels et au meurtre et au sacrifice partout ! L'importance, malheureusement bien sous-estimée du JE SUIS CHARLIE, c'est d'abord le refus de la peur. L'islamophobie populaire est la réaction (excessive) à la pression ressentie. Et les fantasmes suicidaires de quelques repris de justice ne constituent pas une civilisation.

(Quant à la fracture de la Gauche, en d'autres temps on aurait parlé de "machine à perdre", mais là, on en vient à espérer que la Gauche disparaisse vraiment pour quelque temps, afin de pouvoir se recomposer en silence. PERDRE vraiment, totalement, et pour longtemps, cela fait le ménage de toutes les combines et opportunités apparentes. Mais la discussion sera très longue, parce que chaque position aura les trois autres contre elle.)