Grandeur et décadence

Je lis la « biographie » de Jérusalem par Simon Sebag Montefiore, achetée à l’Institut du Monde arabe (LP32931). Chaque soir, je m'endors donc sur un nouveau massacre. Le pharaon Merneptah inscrit sur sa stèle, vers 1200 av. Jésus-Christ : « Canaan a été razzié de la pire manière. Ashqélôn a été enlevée. Gézer a été saisie. Yeno‘am est comme si elle n’avait pas existé. Israël est dévasté, sa semence n’existe plus. Huru est devenue une veuve du fait de l’Égypte…» Et c'est la première mention du nom d'Israël ! La stèle de Tel Dan, élevée par le roi araméen Hazaël au 8^e siècle, annonce la destruction de la « maison de David » (première mention, là aussi). Le texte dit : "Et je tuai (...) chariots et (deux) mille cavaliers (...) roi d'Israël, et je tuai (...) « maison de David » (bytdwd)". Ensuite, le roi des Assyriens Salmanazar déporte tout le Royaume du Nord. Puis encore l’ Assyrien Sennacherib dévaste le Royaume de Juda. Le Babylonien Nabuchodonosor  détruit le Temple de Salomon. Le Grec Ptolémée déporte les Juifs en Égypte. Le Grec Antiochus le Grand entre en vainqueur pour chasser les Égyptiens, mais son fils, Antiochus Épiphane, massacre les prêtres. Le Romain Pompée profane le Temple. Titus et Vespasien le détruisent de fond en comble. Enfin, l’Empereur Hadrien finit par placer une statue de lui sur l'Esplanade, et une statue de Vénus sur le Golgotha. Constantin et sa mère Hélène débarrassent cela, et bâtissent la première basilique du Saint-Sépulcre, mais interdiseent aux Juifs d’accéder à l’Esplanade. Ensuite, le Shah de Perse, le sassanide Chosroès, massacra et déporte tous les chrétiens. Et puis arriva, du fond du désert, le Calife Omar. Les chrétiens monophysites qui détestaient les Grecs trinitaires négocièrent leur reddition en échange d’un statut privilégié et d’un tribut.

Le Calife Omar arriva donc devant la Ville, « Géant vêtu de robes effilochées et reprisées, il se rendit à Jérusalem sur une mule, accompagné d’un seul serviteur » (p.346). Omar était l’un des premiers compagnons du Prophète. Il avait rassemblé le texte du Coran, fixé le calendrier musulman, et formulé les premières règles de l’Islam. Arrivé devant la Ville, il pria, revêtit le costume du pèlerin, monta sur une chamelle blanche, et descendit à la rencontre des hiérarques aux robes d’or incrustées de joyaux. On lui fit voir le Saint-Sépulcre, où il ne voulut pas prier pour laisser leur temple aux chrétiens. Les juifs lui montrèrent ensuite le rocher de la Ligature, affleurant l’Esplanade, où Abraham avait présenté à Dieu son fils unique, et d’où Mahomet était monté au ciel sur sa monture à tête de femme. Il ordonna la construction de cette « Mosquée lointaine » (Al Aksa) mentionnée par le Coran pour devait répondre dans l'espace à l'appel de la Kaaba de la Mecque. Ensuite, il retourna dans son désert, sans rien détruire ni tuer personne. De nombreux juifs et chrétiens se convertirent alors. Les Omeyyades construisirent le Dôme du Rocher (avec des artisans byzantins) et de somptueux palais de plaisance, là où les Grecs avaient établi une farouche citadelle.

Passer de la théocratie à la laïcité, j'appelle cela un progrès. Passer du Calife Omar à Mehdi Meklat, j'appelle cela une décadence. (Pour Michel Onfray).